Près d'un an après la rave protestataire devant le Parlement : le combat continue en Géorgie.
- Claire Grazini
- 29 mars 2019
- 3 min de lecture
Les deux artistes géorgiens NDRX et Kancheli viennent mixer à Paris pour la première fois ce vendredi. L'occasion de revenir sur la situation du pays après la rave contestataire qui a secoué Tbilisi en mai dernier.
Photo de couverture : Gvantsa Popkhadze
La crème du son underground géorgien investit le Glazart ce vendredi pour la deuxième édition du PWFM spring club. NDRX et Kancheli, amis depuis 15 ans, viendront jouer pour la première fois à Paris un set 100% vinyle. Si leur nom ne vous évoque rien, il est encore temps d'y remédier. Ces djs et producteurs sont des pointures de la musique électronique dans leur pays. Et pour cause, ils sont tous deux résidents du Bassiani, le club le plus prisé de la capitale, Tbilisi. C'est aussi le lieu de rassemblement des activistes et de la communauté queer géorgienne.
En mai dernier, le Bassiani et le Café Gallery ont été le théâtre de violentes descentes policières. Sous la pression des forces de l'ordre venues chercher des dealers, 60 personnes ont été arrêtées dont les deux fondateurs du club mythique de Tbilisi. Révoltés, les clubbers ont organisé une rave le lendemain de la descente devant le Parlement. Près de 10 000 personnes se sont rassemblées plusieurs jours pour protester contre les violences policières et la politique anti-drogue ultra répressive du gouvernement. En effet, la possession de plus d'un gramme de MDMA vous amène directement à la case prison, et ce pendant 5 ans minimum. Soit presque autant qu'une personne qui commet un viol. Après cet élan protestataire, la législation a évolué seulement pour le cannabis. Le 30 juillet 2018, la Cour Constitutionnelle a décidé d'abolir les amendes d'environ 170€ pour consommation personnelle de cannabis. La culture et la vente restent interdites.
Le slogan « We dance together, we fight together » utilisé lors de la 'ravolution' de mai dernier est donc toujours d'actualité. Bien que les rapports entre la police et les clubbers se soient calmés, les artistes et activistes sont unanimes. Pour NDRX, le slogan est valide aujourd'hui et il le restera. Son acolyte Kancheli acquiesce : « Il y a souvent des manifestations dans notre pays. Notre génération se bat pour plus de droits sociaux et d'égalité. »
Effectivement, la Géorgie a du chemin à faire en termes d'égalité, notamment en ce qui concerne les droits LGBTQ+. Depuis 2014, l'ancien pays soviétique, dominé par des valeurs chrétiennes orthodoxes, interdit toute discrimination contre l'identité de genre et l'orientation sexuelle. Mais l'application de cette loi anti-discrimination est compliquée puisque les procès prennent du temps. De plus, il faut avoir des preuves de l'acte de discrimination dont on est victime. Ce qui est difficile de prouver si on n'enregistre ou ne filme pas tout ce que l'on fait.
C'est ce que nous a expliqué Levan Berianidze. Il est le fondateur d'Equality Movement, une organisation qui lutte pour la reconnaissance des droits LGBTQ+ en Géorgie, et l'organisateur des soirées queer Horoom Nights au Bassiani depuis 2016. Il s'est impliqué pour créer un vrai sentiment d'appartenance à une communauté chez les personnes LGBTQ+ à Tbilisi. Son nouveau défi est de rendre cette communauté plus active politiquement. « Quand on regarde la législation géorgienne sur les droits LGBTQ+, on s'en sort assez bien. Le problème, c'est l'application de ces lois dans la vraie vie et la tolérance. » Cette tolérance, la communauté queer la retrouve spécialement lors des Horoom Nights, une fois par mois au Bassiani. Selon Levan : « Il y a un besoin de créer des espaces safe pour se retrouver, danser et s'exprimer. »
S'exprimer, c'est ce dont la jeunesse géorgienne s'empresse de faire sur le dancefloor autant que dans la rue, et elle ne s'arrêtera pas de si tôt si l'on en croit ses activistes. « Le combat continue et j'espère que quelque chose sera fait pour l'anniversaire de la rave devant le Parlement parce que rien n'a vraiment bougé depuis. » , conclut Levan.
Article original publié sur Mixmag.
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